
L’univers de Sandra Moussempès se situe à la croisée du réel et de l’imaginaire, du monde et de sa représentation, dont ses textes capturent les images et soulignent la part d’illusion. Malgré son titre, ce nouvel ouvrage émerge pourtant d’une nuit plus secrète. Il y a beaucoup de références au cinéma et à la vidéo dans Sunny Girls, mais les scènes qui se déroulent sous nos yeux sont étrangement distanciées : comme si la femme derrière la caméra (ou qui écrit face à l’écran) gardait constamment à l’esprit le caractère irréparable de son geste : Éléments du récit épique, les séquences se succèdent ainsi avec la netteté du rêve – ou du film qui en est peut-être l’émanation.
Parution : Flammarion, Coll. "Poésie", février 2015
À propos de l'ouvrage
(…) l’ancienne pensionnaire de la Villa Médicis (née en 1965) ne perd jamais de vue le projet poétique dont la construction accompagne celle du film « Restituer n’est pas le poème ». Sa « camera objective » joint à un « Musée des médiums » des rêves et de vrais souvenirs : Londres, Berlin, Los Angeles. Un « Cluedo » propose des éléments éparpillés d’une « fiction mémorielle » : l’aïeul « aristo biarrot », le père disparu, le fils dont la naissance a dénoué « des liens mal engagés ». La présence d’intercesseurs -Robert Walser, Sylvia Plath, Antonin Artaud -laisse entrevoir la violence que masque à peine le charme inquiétant de cet énigmatique « remake ».
Monique Pétillon, Le Monde des livres, 3 avril 2015
En quinze suites de factures différentes – bouts de narration, bribes de dialogue ou de scénario, débris de mise en scène, récit de rêve, énoncé aphoristique, montage texte/photo – et en recourant à toutes les ressources de la typographie, Sunny girls déploie un univers d’images interagissant avec des paysages intérieurs et une inventivité nomade qui confèrent à cette poésie expérimentale des aires d’énigme éblouie.
Richard Blin, Le Matricule des Anges, mars 2015
Le Charme de Sunny girls réside dans la persistance d’une ingénuité teintée d’insolence insouciante propre aux très jeunes filles, et sur laquelle les menaces de débauche ou de meurtre planent.
Ritta Baddoura, L’Orient littéraire (supplément littéraire du Journal l’Orient, le Jour, août 2015)
La lire c’est suivre des entrelacs sinueux de voix – concrète, parlée, chantée, intérieure, off. C’est se faire un petit cinéma mental à base de grain, de timbre et de souffle. La voix nous apparaissant comme appareil de la mise en mouvement des images. Et les images sont partout en puissance, irriguant les textes via des évocations de films et inserts de photographies. Mais aussi à même la forme, derrière les inventions typographiques, la mise en liste et son côté « projection de diapositives », les citations furtives, les phrases revenantes et les effets de déjà-vus. Alors cette écriture qui capte des pensées, amplifie des voix et agence des images: on serait tenté de la voir comme un kinétoscope de langage (cet ancêtre du cinématographe, Edison).
Carla Demierre, site de la HEAD Genève
Comme l’héroïne dans la scène finale de Zabriskie Point (Antonioni, 1970) – film générationnel dont le texte qui donne son titre au livre apparaît comme un commentaire décalé – Sandra Moussempès observe les retombées au ralenti des éléments du récit épique qu’elle a fait exploser.
François Crosnier, Libr-critique.com, 2015
Sunny girls pourrait se lire comme un script composé de poèmes, car le motif qui file le long dudit livre est le monde du cinéma, avec ses techniques, son champ lexical (un motif construit dans toute l’œuvre de Sandra Moussempès). (…) le tout dans une apparence d’époque vintage (judicieusement appuyée par la couleur rouge flashy de la couverture) un époque qui pourrait correspondre à l’enfance de la poète, posant un décalage de temps, d’univers, qui produit la dérision du ton, entre humour grinçant et réflexion sur le temps et ses époques.(…) Des Sunny girls, il en existe à foison, ou équivalement, en toute époque, elles évoluent devant et au dessus d’un miroir aux fées. Un livre vertigineux et tourbillonnant de sorte à vous ramener à la réalité.
Jean-Pascal Dubost, Poezibao
L’ensemble du texte, qui repose, d’un point de vue formel, sur l’agencement de propositions fragmentées non liées, hétérogènes dans leur discours et leurs registres de référence, met en évidence des langages (un dialogue en vente) et esthétiques préfabriqués ainsi que des contradictions et incohérences sociales (« faux punks des villas cossues » – « une maoïste milliardaire », « parle d’Artaud mais ne le lit pas »).Les personnages apparaissent, dans leur réduction, tels des rôles constitués, dans un jeu des apparences, des surfaces esthétiques et sociales, dans l’incompatibilité convenue et habituelle de leurs caractéristiques, une superficialité exacerbée ou « seuls les publicitaires et les promoteurs sont restés tels quels » (…) Multipliant les procédés de distanciation critique, dans l’évocation de ce qui pourrait être les « strates » individuelles et sociales qui animent les individus, Sandra Moussempès révèle, dans la séduction d’une écriture distanciée un réel impitoyable et énigmatique aux confins de l’imaginaire.
Emmanuèle Jawad, Libr-critique.com
Des espèces d’espace et des espaces-temps, des plages et des plateaux, des scènes creusées au passé et au présent : les «sunny girls » dont il est question dans ce volume multiplient les expériences derrière et devant la caméra, avec et sans stylo, avec ou sans micro, toujours, cependant, par le corps et la voix. Elles séduisent, aiment, construisent, éduquent ; elles voyagent, dansent, écoutent et regardent, projettent, rejettent et introjectent, elles vieillissent, se fardent ; elles sont toujours, peu ou prou, « à vendre » – à prendre et à laisser, à prendre puis à laisser, à prendre à abandonner. En même temps elles restent étrangement adolescentes et libres : femmes et jeunes filles fuient et sautent, pieds nus, d’un texte à l’autre, d’une section à la suivante. Aucun « récit épique » ne les capture, car elles ont déjà rejoint la «réécriture gothique d’un western » qui les conduira in fine auprès de « médiums » dont certains sont cités : John Cage, Samuel Butler, Chris Marker ou Sylvia Plath par exemple.
Anne Malaprade, Sitaudis.com
L’ancrage cinématographique est explicite dès le premier vers (« La chaleur des plateaux») et via la 4ème de couverture : « comme si la femme derrière la caméra (ou qui écrit face à l’écran)… », même si peut se poser la question de l’image onirique « les séquences se succèdent ainsi avec la netteté du rêve – ou du film qui en est peut-être l’émanation. » En tout cas, et ce n’est pas une révélation2, le système du récit poétique empreinte ici au filmique, voire interagit « du littéraire au filmique » : et si l’ouvrage est de facto daté par sa prégnance hollywoodienne, il n’ignore pas non plus l’apport godardien. Le langage cinématographique percute, entraîne, mène l’imaginaire et la pratique de S. Moussempès, poète : ellipses, liaisons, fondus-enchaînés, cadrages, profondeurs de champ, angles de prises de vue, mouvements « de caméra », dialogues, voix off, « montage » de chaque séquence et agencement en un « vrai » livre qui expose l’humain en soi : un être respire, ressent, raisonne, et, sous le ciel, voyageant même, préfère « les limites aux circonstances ». Un pas de plus dans l’œuvre d’une Sandra Moussempès consciente de ce qui peut (s’)échapper au (du) poème.
Jean-Marc Baillieu, Sitaudis.com
Sans faire de l’écriture son seul centre, sa chambre close, son entre-soi, la poésie de Sandra Moussempès explore les horizons du déjà-vu (Je dois m’y reprendre à plusieurs fois pour obtenir une impression de déjà-vu), des limites de la perception, avec une acuité ressentie comme tour à tour ludique et émouvante. Et, bien plus qu’elle ne questionne les rapports entre réel et l’imaginaire en passant de l’un à l’autre, elle en investit résolument et brillamment l’entre-deux.
Blog de la librairie Ptyx
L’univers de Sandra Moussempès se situe à la croisée du réel et de l’imaginaire, du monde « ordinaire » et de sa représentation, dont ses textes capturent les images et soulignent la part d’illusion.
Yves di Manno